mardi 24 novembre 2009

"Le chaos des exceptions sans lois"

" On peut comprendre maintenant pourquoi la vie est relativement pauvre en monstres. C'est que les organismes ne sont capables d'excentricités de structure qu'à un court moment du début de leur développement. Mais pourquoi avoir dit du fantastique qu'il est un monde, s'il est vrai qu'un monde, un cosmos, c'est un ordre? En fait, nous avons voulu dire que le fantastique est capable de peupler un monde. La puissance de l'imagination est infatigable, inépuisable. Comment ne le serait-elle pas? L'imagination est une fonction sans organe. [...] Elle déforme ou réforme incessamment les vieilles images pour en former de nouvelles; On voit ainsi que le monstrueux, en tant qu'imaginaire, est proliférant. pauvreté d'un côté, prodigalité de l'autre, telle est la raison de maintenir la dualité de la monstruosité et du monstrueux.
la 2ème raison est au principe de la première. La vie ne transgresse ni ses lois, ni ses plans de structure. Les accidents n'y sont pas des exceptions, et il n'y a rien de monstrueux dans les monstruosités. "Il n'y a pas d'exceptions dans la nature", dit le tératologiste à l'âge positif de la tératologie. mais cette formule positiviste qui définit un monde comme système de lois ignore que sa signification concrète lui est donnée par sa relation à la signification d'une maxime opposée, que la science exclut mais que l'imagination applique. cette maxime donne naissance à l'anticosmos, au chaos des exceptions sans lois. Cet antimonde, quand il est vu du côté de ceux qui le hantent après l'avoir créé, y croyant tout exceptionnellement possible - oubliant de leur côté que seules les lois permettent des exceptions - cet antimonde, c'est le monde imaginaire, trouble et vertigineux du monstrueux."

Canguilhem, La connaissance de la vie, " La monstruosité et le monstrueux".

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